Embarquement pour Montevideo
Le 21 juin 1930, après avoir voyagé toute la nuit en wagon-lit depuis Paris, Jules Rimet (1873-1956) arrive sur le quai de la gare de Villefranche-sur-mer. Petit homme au cheveux blancs, le président de la Fédération Internationale de Football Association pose pour un photographe au pied de la passerelle d’embarquement du paquebot italien le Conte-Verde en direction de Montevideo où va se dérouler la première édition de la Coupe du Monde. Outre les joueurs de l’équipe de Roumanie, montés la veille à Gênes, Jules Rimet fera le voyage avec les joueurs des sélections belge et française. Parmi les quatre équipes européennes qui ont accepté de vivre l'aventure de la première Coupe du monde de football, la Yougoslavie est la seule équipe a avoir choisi un autre paquebot, le Florida parti deux jours auparavant de Marseille.
La participation de la France à cette compétition a été difficile à mettre en œuvre. En pleine récession économique, le 19 mai, il a fallu persuader le bureau de la Fédération française de ne pas rejeter l'invitation uruguayenne (frais de voyage payés) ; puis convaincre, dans le peu de temps qui restait, les armées et les douanes de délivrer les autorisations indispensables. Enfin, Jules Rimet a eu bien du mal a convaincre seize joueurs à prendre les six semaines de congé nécessaires, pouvant parfois mettre en péril leur emploi.
Le voyage sera long : deux semaines en mer. Le 5 juillet, accostant à Montevideo, après avoir pris les Brésiliens à l'escale de Rio de Janeiro, les différentes équipes seront acclamées par les Urugayens.
Entre train et bateau, les quelques heures passées à Villefranche-sur-mer, ce 21 juin, sont mouvementées. Jules Rimet se montre peu disponible voire nerveux : « son » trophée « la Victoire aux ailes d’or », une statuette en or sculptée par Abel Lafleur se trouve dans ses bagages au milieu de quelques chemises. Il craint une malveillance ou un vol. Aussi ne laisse-t-il le soin à personne de prendre en charge ses valises. Après une réception intime dans un café du port, un repas pris à la hâte, quelques anicroches avec les plus indisciplinés des joueurs de l’équipe de France et une petite cérémonie protocolaire plutôt terne à l’occasion de laquelle un représentant de la municipalité déclare avec solennité : « Vous emportez avec vous un peu de notre orgueil national », le président de la FIFA, dont l’inquiétude n’a pas disparu de son expression au moment du cliché au pied du paquebot, appareille avec soulagement en milieu d’après-midi.
Malgré cet épisode un peu confus, Jules Rimet a gardé par la suite un attachement à la Côte d’Azur et tout particulièrement à Villefranche-sur-mer. En témoignage de ce lien, le 19 février 1983, une plaque commémorative rappelant le rôle majeur de Jules Rimet dans l’histoire du football, est apposée sur le mur du Port de la Santé, en présence de Fernand Sastre Président de la Fédération Française de Football.
Yvan Gastaut
Université de Nice