Omar Sahnoun
Le 21 avril 1980, l’annonce du décès d'Omar Sahnoun à l’âge de 25 ans, emporté par un malaise cardiaque lors d’un entraînement avec son club des Girondins de Bordeaux, frappe de stupeur la France du football qui perd un joueur de classe internationale que l’on surnommait « le harki ».
Omar Sahnoun était en effet un enfant de la guerre d’Algérie, né à Guerrouma dans la wilaya de Bouira en 1955. Son père combattait dans une « harka », unité supplétive autochtone d’Algérie engagée aux côtés de l’armée française contre la rébellion indépendantiste. A la fin de la guerre en 1962, comme tous les Algériens qui avaient fait le choix de France sa famille est menacée d’épuration. Considérés comme des traîtres au dessein révolutionnaire, ses parents sont contraints de quitter précipitamment l’Algérie et de se « replier » en France qu’ils espèrent accueillante. Le jeune Omar ne reverra plus l’Algérie : à 7 ans, il change d’univers, direction Beauvais où malgré le racisme et une vie quotidienne difficile, il prend goût pour le football, entre copains, dans la rue. A 12 ans, Omar Sahnoun signe sa première licence à l'AS Beauvais-Marrissel et devient très vite l'un des principaux espoirs de sa région. Au poste de libero, il remporte avec la sélection picarde la finale de la coupe de France cadets en 1972 en lever de rideau de la finale de Coupe de France entre Marseille et Bastia.
Repéré et contacté immédiatement par le FC Nantes, il rejoint le centre de formation des Canaris. Si sa première apparition en équipe première, date du 30 septembre 1972, lors d'un déplacement à Ajaccio (1-1), Omar Sahnoun n’intègre l'équipe première en signant son premier contrat professionnel au début de la saison 1974-1975. Sa particularité est d’être totalement polyvalent, capable d’évoluer à tous les postes de la défense et du milieu de terrain, tantôt libéro, tantôt, latéral, tantôt récupérateur, tantôt meneur de jeu et buteur. Au cours de la saison 1976-77, promu par l’entraîneur Jean Vincent, il devient un élément indispensable au sein du dispositif nantais marquant quinze buts.
Au début de l’année 1977, sélectionné à six reprises par Michel Hidalgo, Omar Sahnoun met en exergue les engagements de son père. Fier d’être harki, un passé et une identité qu’il assume. Au milieu des années soixante-dix, les anciens supplétifs n’ayant pas obtenu la reconnaissance attendue, se morfondant dans des baraquements à la périphérie de certaines villes ont décidé de s’exprimer. Le débat sur les exactions françaises pendant la guerre d’Algérie est relancé à la suite la visite officielle du président Giscard d’Estaing à Alger en 1975. Dans ce contexte, Omar Sahnoun ne cache pas ses origines, au contraire, il estime prolonger l’engagement de son père, fier de défendre la France. Certes, la manière est fort différente, mais Omar Sahnoun voit à travers sa présence au sein du club « France », une occasion de consacrer tardivement les siens.
Malheureusement, Omar Sahnoun que l’on considérait partant pour la Coupe du monde 78, n’aura plus l’occasion de porter le maillot tricolore et de véhiculer son combat en faveur de l’identité harkie : après une première alerte cardiaque fin 1977, il est obligé d’interrompre la compétition pendant quelques mois et de renoncer à l’aventure argentine. De retour en pleine possession de ses moyens en 1978-79, il souhaite relancer sa carrière avec les Girondins de Bordeaux la saison suivante… Le fils de Harki, si fier d’être Français, disparaît avant d’avoir pu donner pleine mesure de son talent, à l’image du groupe marginalisé qu’il représente, son histoire s’achève sur une impasse.
Yvan Gastaut
Université de Nice