John Henry Davies: un pr?sident philanthrope
John Henry Davies (1864-1927), le premier président de Manchester United, condense, par son trajet individuel, certains traits de la bourgeoisie industrielle et commerciale de l’Angleterre de la fin du XIXe siècle. Grâce à une aisance économique acquise dans l’industrie de la bière, il entre dans le cercle des personnalités respectables. Marqué par l’idéologie de la responsabilité sociale, il participe à de nombreuses activités caritatives, essentiellement destinées aux couches populaires (foyers d’adolescents, mineurs, groupes de fanfare). L’adhésion au parti conservateur, l’affiliation à une loge franc-maçonnique et la contribution à des ouvrages d’envergure nationale (Manchester Ship Canal), constituent des particularités saillantes d’une élite locale qui forme une véritable aristocratie urbaine. C’est donc sans grande surprise que le riche brasseur s’investit dans le club de football de Newton Heath, créé en 1878 et alors en crise, et le transforme en Manchester United.
C’est en 1902 que J.H.Davies fait son entrée dans l’histoire du club mancunien, profondément ébranlé par des difficultés financières, en partie liées aux résultats médiocres, à la concurrence de l’autre équipe de la ville, Manchester City, et à la place privilégiée du rugby dans l’opinion publique. Pour éviter la banqueroute, une campagne de survie est lancée par les dirigeants, les joueurs, la presse et les notables pour éviter la banqueroute. Ces derniers encouragent une contribution massive, en ajoutant à la cause sportive les finalités morales. “ Le club plutôt que le pub” souligne Sir James Ferguson, le député de Newton Heath pour signifier la valeur morale de l’organisation sportive. Pendant quatre jours, une grande kermesse est organisée dans l’enceinte de l’actuelle chambre de commerce pour recueillir des fonds. L’événement est un échec malgré les aspects exotiques qui y sont présentés (découverte de l’Inde, de l’Egypte). Au début du mois de février 1902, le club est déclaré insolvable. J.H.Davies et quatre autres personnalités du milieu des brasseurs décident de sauver le club en insufflant de l’argent dans les caisse vides. En avril, c’est l’adoption du nom de Manchester United, préféré à ceux de Manchester Central et de Manchester Celtic.
Pendant les vingt-cinq années de sa présidence, J.H.Davies agit comme le garant financier de Manchester United et le moteur des ambitions de grandeur. En 1906, il participe discrètement à l’arrivée des “stars” du moment, cinq joueurs de Manchester City, dont l’émergent magicien gallois, Billy Meredith. En février 1910, l’inauguration du stade d’Old Trafford d’une capacité d’accueil de 80.000 spectateurs, illustre les desseins de grandeur du président. Le coût du stade approche £70,000. Pour avoir une idée de la grandeur d’une telle somme, il faut avoir à l’esprit que les principaux transferts de l’époque n’atteignent pas plus que £2,000. Parallèlement à sa contribution financière dans le club, il continue à se distinguer dans la communauté des philanthropes. Au mois d’août 1925, il fait la Une des journaux locaux et nationaux. Il empêche la démolition d’un patrimoine local, un manoir de la période élisabéthaine, convoité par des Américains. Manchester Evening News, Manchester Guardian et le Times soulignent le “bienfaiteur public”. Deux années plus tard, le président s’éteint dans la station balnéaire de Llanduno. “C’est une grosse perte pour le sport et les organisations caritatives” titre Manchester Evening News, tandis que The Adviser précise le poids social du président en relatant le cortège impressionnant de personnalités lors de ses funérailles. Aujourd’hui, la mémoire de J.H.Davies est préservée dans le musée de Manchester United, et son portrait est installé dans le tunnel du stade, le lieu d’attente des joueurs avant de pénétrer sur la pelouse d’Old Trafford.
Claude Boli
Université d’Evry